La nana du Tomtom
Dans les rues d’Amsterdam se promène parfois une petite femme blonde au comportement étrange: au lieu de marcher droit, comme la plupart des piétons, elle fait des rondes autour des voitures en stationnement. Elle s’approche de la première, regarde à travers le pare-brise. Si elle ne trouve pas ce qu’elle cherche, elle se dirige vers la portière, colle son front contre la vitre et plisse les yeux en direction du tableau de bord. Puis elle repart, et fait le même cirque autour de la voiture suivante. Cette femme, c’est Corinne Vigreux, la directrice générale de Tomtom. 44 ans, le port fier, le sourire franc et la poignée de main solide. Du genre bienveillant, mais qui n’a pas que ça à faire. Ce qu’elle cherche des yeux à l’intérieur des voitures, c’est son bébé. Le navigateur GPS dont elle a accouché, au terme d’un travail qui a duré des années. Maintenant qu’il est grand et fort, elle ne rêve que d’une chose : le voir ventousé à tous les pare-brise, intégré à tous les tableaux de bord…
Lire l'article →De Barbie à brebis
«Je fais partie de cette génération de femmes qui baisent par politesse. Quand j’emmène un mec chez moi, je trouve normal qu’on finisse par faire l’amour.» Clara Chaal n’a pas terminé sa phrase que c’est plus fort que nous, on imagine déjà la scène : le type monte les trois étages, pousse la porte entrouverte et tombe sur cette fille de vingt ans immense, blonde, sexy, qui lui demande «poliment» : «Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? Un café ? Un coca ? Une pipe ?» Comme le type est normal, il répond que la caféine, c’est mauvais pour le cœur. Une fois rhabillé, il ne trouve rien à dire, alors il ne s’attarde pas. Clara balaie sa chambre d’étudiante du regard, les fringues roulées en boule, ses bottes plateforme Barbara Bui posées au-dessus de l’étagère, le tapis en peau de vache gondolé. Peut-être que c’est le bordel. Peut-être qu’elle a merdé. Peut-être qu’elle devrait écrire un livre, pour en finir avec tout ça. Quand elle nous ouvre la porte, ce jour-là, elle se contente de nous of…
Lire l'article →Question d'éducation
Lorsqu'on a voulu la rencontrer, elle a tout de suite dit : «OK pour moi, mais je vais quand même demander leur avis aux autres.» Les autres, c'est Réseau Education sans frontières (RESF) du Rhône, un collectif. Alors un portrait individuel, d'accord, mais à condition qu'on ne tire pas toute la couverture à elle. Marché conclu ? Oui, enfin, on a juste promis qu'on n'en ferait pas une bonne soeur. Une militante au grand coeur, plutôt. Mireille Peloux est institutrice à l'école Michel-Servet, dans le Ier arrondissement de Lyon, toute la journée du lundi, cinq heures par jour le reste de la semaine. Bref, un peu tout le temps, elle milite au sein de RESF. Quand un sans-papiers se fait arrêter, quand une famille est enfermée au Centre de rétention administrative (CRA) de Lyon Saint-Exupéry, c'est elle qui leur rend visite, les accompagne au tribunal, lance la mobilisation, coordonne les comités de soutien, écoute, conseille, supporte. «J'ai toujours milité pour quelque chose. Quelles sont…
Lire l'article →Bébés Rimbaud
Fête de la musique. BB Brunes, les nouvelles icônes du rock juvénile (disque d'or, omniprésence dans les festivals), jouent au château de Vincennes. Chaleur à crever, ados en délire. Au milieu du concert, le chanteur, surexcité, vomit. Hormis les filles du premier rang qui ont failli se faire doucher, les fans ne sont pas plus étonnés que ça. A Ris-Orangis, le 26 octobre, Adrien leur avait fait le même coup. Trop chaud ? Trop fumé ? Trop de stress ? Ce 21 juin, les heures d'attente qui ont précédé le concert, le chanteur les a passées amorphe, sur un transat, à griller clope sur clope et à descendre bière sur bière. Quand il ne se forçait pas à être agréable avec la presse, il regardait dans le vague en lâchant des bouts de phrase pas très gais : «Don't give a shit», «Wanna throw myself away». Jim Morrison version cour de récré. De leur côté, les autres BB avaient l'air de s'éclater entre le ping-pong et le jeu vidéo Guitar Hero. Félix, le guitariste, racontait à Bérald, le bassiste, …
Lire l'article →Tous à l'égout
Ala surface de la terre, la nuit noire n'existe pas. Il y aura toujours un lampadaire ou un ver luisant pour éclairer le chemin. Fermez les yeux, vous devinerez encore la lumière. En dessous, l'obscurité est totale. Aucune lanterne encastrée dans la roche, encore moins d'étoiles ni de lune. La pesanteur pour unique repère, et le bruit de l'eau. Assourdissant au niveau des barrages. Intenable en cas de fuite dans une canalisation. Des cafards courent en bandes le long des tuyaux. Effrayés par le courant des fleuves, les rats préfèrent investir les ruisseaux, ces minces filets d'eau et de merde qui vous prennent le nez comme on vous arracherait un bras. Le sol est glissant, les cuissardes en caoutchouc pèsent trois tonnes. Les égoutiers qui débutent ont la diarrhée tous les soirs : trop de bulles de gaz qui éclatent à la surface quand ils plongent leurs perches dans l'eau pour faire avancer les chiffons, les poutrelles, les canettes, les boîtes de conserve qui flottent là pendant des jo…
Lire l'article →