Ouragan pop
Elle dit s’être fait violer à deux rues donc bon, elle a préféré venir nous chercher. Le gamin qui lui sert d’escorte de la bouche de métro à son appartement, elle le présente comme son garde du corps. Où qu’elle aille dans Manhattan, c’est désormais avec lui. L’interview n’a pas commencé que déjà, on se demande si Madonna Ciccone n’est pas en train de se payer notre tête : elle, la wannabe de la pop, un garde du corps ? Le Lower East Side est son royaume. C’est du moins ce qu’elle veut laisser paraître, échangeant sifflets et high five avec tous les paumés du coin. La 4e rue, sa rue, grouille de caïds et de toxicomanes, elle a 24 ans, elle porte des collants troués et un débardeur rapiécé dévoilant son nombril et la moitié de ses seins, mais elle n’a pas peur. Elle a laissé la porte d’entrée de chez elle grand ouverte. «De toute façon, précise-t-elle, le verrou ne tient plus.» Le studio est dans un état de désordre que l’on devine étudié : pour atteindre le coin salon, il nous faut e…
Lire l'article →Au-dessus de la mêlée
Vingt-trois heures qu’on vole, les lumières du plafonnier se rallument. Tel un dormeur éveillé en pleine nuit dans une maison étrangère, on se pose, déboussolé, les questions essentielles : où sommes-nous ? Quelle heure peut-il bien être ? Le retour au réel est nébuleux, pour ne pas dire délirant. Et si au lieu d’avoir voyagé dans l’espace, on avait voyagé dans le temps, voire changé de planète ? L’annonce de notre prochain atterrissage achève de nous dégriser. Lucide, on met notre confusion mentale sur le compte de la fatigue et on boucle notre ceinture. Bout du monde, nous voilà ! Première étape : Abel Tasman, le plus petit parc national du pays, au nord de l’île. Pour les nuls en histoire néerlandaise du XVIIe siècle - pour nous tous, donc - rappelons que l’explorateur hollandais Abel Tasman fut le premier Européen à découvrir la Tasmanie, les îles Fidji, Tonga et la Nouvelle-Zélande où, d’ailleurs, il ne s’attarda guère : en 1642, il jeta l’ancre à quelques encablures de l’actuel …
Lire l'article →Mon homme revient de la guerre
La date, Margaux ne l'a communiquée à personne. "Je ne voulais pas que les gens m'appellent ou cherchent à parler à Tourey. Aujourd'hui, c'est mon jour." Six mois que la jeune femme de 22 ans attend ce moment. Plus que quelques minutes à tenir : les bus ramenant de l'aéroport les hommes du 27e bataillon de chasseurs alpins seront bientôt en vue. Elle ne tient pas en place, trépigne, parle pour parler: "Cette robe et ces talons, ça me complexe, les autres filles sont toutes en pantalon". À côté d'elle, Célia, silencieuse, fume cigarette sur cigarette. Avant de quitter son appartement, elle a passé un coup de balai, fait la vaisselle et descendu les poubelles. "Il fallait que ce soit propre", se justifie-t-elle. Il fallait qu'elle s'occupe, surtout, pour oublier cette "boule au ventre" qui grossit à mesure que l'heure approche. Et s'il la trouvait moins belle? S'ils ne s'entendaient plus? Il fait près de 30° dans la cour du régiment. Margaux babille pendant que Célia enlève ses collants.…
Lire l'article →Les dessous du bikini
En Europe, elle aurait sûrement moins de succès, mais au Brésil, Raquel est une bombe. L’archétype de la latina au corps de rêve, selon les canons esthétiques du pays : peau brune mais pas trop (morena), cheveux raides et, c’est là l’essentiel, fesses et cuisses en béton. Ce jour-là, la lycéenne a posé serviette sur la plage d’Ipanema. Entourée de jeunes hommes que l’on devine sur les dents, elle discute, joue au foot volley puis parle de se rendre à l’espace musculation, une terrasse de bois montée au-dessus du sable à quelques centaines de mètres de là. « Je voudrais avoir les cuisses plus musclées », confie-t-elle. Parce que c’est possible ? Elle se lève et, pas embarrassée pour deux sous malgré son mini slip léopard, nous laisse contempler l’œuvre de sa vie. « Je suis quand même satisfaite de mon corps. Je trouve ça cool de savoir que tout est à la bonne place. » À Rio, peu de gens vont à la plage pour faire la sieste ou lire, encore moins pour se baigner. « C’est l’endroit pour v…
Lire l'article →Par l'ombre portée
Trois photos qui nous parlent, allez savoir pourquoi : un ruban de béton déroulé en bord de mer. Deux bancs qu’il est prudent d’essuyer de la main avant d’y poser les fesses. La plage, déserte, et la peinture bleue d’une piscine à ciel ouvert, que les vagues et le temps, qu’il fait et qui passe, n’en finissent pas d’écailler. Grise, frisquette, désincarnée : ainsi va la ville vue par Kate Barry en écho au texte de Jean Rolin dans Dinard. Essai d’autobiographie immobilière. La photographe et le romancier ont longtemps formé un couple. Aujourd’hui séparés, quoique très proches, ils ont réalisé ce carnet ensemble, «par amitié». Jean Rolin n’est pas né à Dinard, mais il aurait bien voulu. Kate Barry affectionne davantage Lannilis, au nord de Brest, dont elle respecte la rudesse et les souvenirs. Sa mère, Jane Birkin, possède une maison à deux pas de la plage où son grand-père embarquait des résistants français vers l’Angleterre. Pour autant, arpenter Dinard ne lui a pas déplu : fille du c…
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